13 %. C’est le pourcentage implacable, froid, presque provocant, qui ressort de l’étude Ifop menée en 2023 : seuls 13 % des jeunes actifs de moins de 30 ans se projettent dans un rôle de manager. Un chiffre qui grince, tant il heurte de front les attentes d’entreprises en quête de nouveaux profils pour prendre la relève. La pénurie de candidats aux postes d’encadrement n’a rien d’une vue de l’esprit. Elle s’impose, brutale, et pousse à interroger ce qui ne colle plus entre l’offre et la demande.
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Les employeurs tentent de rallumer la flamme pour des fonctions autrefois synonymes d’ascension et de prestige. Mais la donne a changé. Les codes du monde du travail se transforment, les priorités aussi. La génération Z ne s’arrête plus sur les mêmes promesses. Les avantages qui faisaient tourner les têtes hier n’impressionnent plus grand monde. Ce qui se joue, c’est une bascule profonde dans la façon d’envisager la réussite et l’engagement professionnel.
Plan de l'article
La fonction de manager à l’épreuve des nouvelles aspirations
Impossible de faire l’impasse : la pénurie de managers prend racine dans ce fossé qui se creuse entre les logiques d’entreprise et les envies des jeunes générations. Le schéma hiérarchique, longtemps perçu comme la voie royale, se fissure. La génération Z préfère miser sur la maîtrise, l’acquisition de compétences, le développement de soi. Tout l’inverse du modèle classique où gravir les échelons valait reconnaissance.
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Le middle management concentre aujourd’hui les crispations. Les attentes sont précises :
- Un niveau de stress élevé, devenu la norme
- Des gratifications financières jugées insuffisantes
- Un risque de burn-out qui plane en permanence
Le secteur n’est pas resté aveugle. Amazon, Citigroup et d’autres revoient déjà leur copie, taillant dans les strates intermédiaires. Les études sont concordantes : les managers encaissent plus de pression que leurs propres équipes. Leur exposition au burn-out n’a rien d’une légende urbaine. La génération Z observe, analyse, et en tire des conclusions claires : endosser cette fonction revient trop souvent à jouer les fusibles.
Le poste de manager a perdu de sa superbe. Les aspirations évoluent, et le management traditionnel ne fait plus recette. Les nouvelles générations veulent des structures plus horizontales, où la valeur ajoutée se mesure à l’expertise et au partage de décisions. Si les entreprises veulent rester attractives, il va falloir réinventer la fonction, la rendre compatible avec cette recherche de sens et d’équilibre qui s’impose partout.
Pourquoi la Génération Z se détourne-t-elle des postes à responsabilité ?
Les études s’accumulent, et le constat se répète. Au Royaume-Uni, une enquête signée Robert Walters l’affiche sans détour : 52 % des jeunes n’envisagent pas de devenir manager. Plus significatif encore, 72 % préfèrent avancer seuls, cultiver leur savoir-faire plutôt que de piloter une équipe. La promotion ? Pour beaucoup, elle ne passe plus par le management. Seuls 16 % disent vouloir éviter toute évolution, preuve que l’ambition ne disparaît pas, elle change de forme.
Ce mouvement, baptisé conscious unbossing, n’est pas un effet de mode. Il incarne une rupture assumée avec la verticalité. La trajectoire professionnelle se construit à la carte, selon ses propres règles. L’autonomie n’est plus un luxe, c’est le fil conducteur. Romane, jeune consultante en stratégie, le résume sans détour : elle préfère élargir ses compétences, préserver son équilibre, plutôt que de sacrifier sa santé sur l’autel du management. PerformanSe confirme la tendance : moins de six jeunes sur dix souhaitent, un jour, prendre la tête d’une équipe.
Ce désamour s’explique aussi par une observation lucide du quotidien des générations précédentes. Les réseaux sociaux regorgent de témoignages sur la fatigue managériale. La surcharge administrative, l’absence de reconnaissance et le spectre du burn-out servent de repoussoirs. Les jeunes attachent une vraie valeur à la santé mentale, à l’équilibre entre vie professionnelle et privée, à la possibilité de se préserver.
Trois grandes lignes de force émergent :
- La priorité donnée à l’expertise individuelle
- Le refus de sacrifier l’équilibre personnel
- La volonté de se protéger de la pression émotionnelle
Pour les jeunes diplômés, faire carrière ne signifie plus gravir la moindre marche disponible. L’évolution se mesure à la richesse des compétences, aux possibilités de choisir son rythme, pas à la taille de l’équipe à superviser.
Pressions, équilibre de vie et quête de sens : les raisons du désintérêt
La qualité de vie au travail est devenue un prérequis. La génération Z n’est pas disposée à troquer son équilibre contre des responsabilités jugées trop lourdes et peu gratifiantes. Le middle management, coincé entre injonctions contradictoires et marges de manœuvre minimes, cumule les handicaps. Peu de reconnaissance, sur le plan financier comme symbolique, et une charge qui ne cesse de croître.
La peur de l’épuisement professionnel n’a rien d’une vue de l’esprit. Les chiffres le montrent : les managers affichent un niveau d’anxiété supérieur à la moyenne. Face à cette réalité, beaucoup de jeunes choisissent de faire un pas de côté. Certains optent même pour le conscious quitting ou le loud quitting, marquant leur rupture dès lors qu’un décalage apparaît entre leurs valeurs et celles de leur entreprise.
Pour cette génération, la santé mentale compte autant que le salaire ou la réussite. L’équilibre vie pro/vie perso, l’autonomie dans le quotidien, la possibilité de donner du sens à ses actions : ces critères prennent le dessus sur le prestige du statut. Le management, dans sa forme classique, ne répond plus à ces attentes. Le décalage est net, profond, et pousse à revoir les fondamentaux.
Vers un management repensé pour attirer les talents de demain
La hiérarchie verticale a vécu ses plus belles heures. Aujourd’hui, elle doit composer avec une génération qui réclame davantage d’autonomie et de collectif. Les entreprises, confrontées à la difficulté de recruter des managers, s’ouvrent, parfois à contrecœur, à de nouveaux modèles. Les structures traditionnelles cèdent le pas aux organisations plus souples, où la responsabilité se partage et la confiance circule.
Pour répondre à ces nouvelles attentes, plusieurs pistes s’imposent :
- Transformer le manager en coach, plus qu’en chef autoritaire
- Mettre en avant les compétences transversales et le travail collaboratif
- Permettre à chacun de s’impliquer sans renoncer à son équilibre personnel
Le changement de cap est palpable. Le manager d’aujourd’hui devient facilitateur, guide, soutien. Il écoute, fédère, fait émerger les talents plutôt que de contrôler chaque action. La génération Z pousse vers plus de flexibilité, moins de contrôle, une écoute active des besoins individuels.
Des exemples concrets existent déjà. Certaines entreprises raccourcissent les circuits de décision, encouragent l’autonomie, repensent la gestion des ressources humaines. Les modèles horizontaux séduisent et limitent la casse en matière d’épuisement professionnel. L’enjeu, désormais, consiste à trouver le point d’équilibre entre pilotage stratégique et respect des aspirations de chacun. Une équation délicate, mais incontournable si l’on veut éviter de voir les talents de demain tracer leur route ailleurs.
Reste à savoir qui, demain, acceptera de reprendre le flambeau du management. La réponse se dessine, à la croisée des chemins entre quête de sens, désir d’autonomie et nouvelles formes d’engagement collectif.