Islam au Maroc : l’arrivée de cette religion en terre marocaine

Les premiers contacts entre la péninsule Arabique et l’Afrique du Nord ne se sont pas traduits immédiatement par une conversion massive des populations locales. L’installation de nouvelles croyances s’est heurtée à la résistance de dynasties locales et à la persistance des cultes antérieurs.

L’histoire de l’islam marocain ne se résume pas à une vague déferlante qui aurait balayé d’un coup toutes les traditions. Bien au contraire, chaque avancée a suscité des alliances, des confrontations, et des compromis parfois inattendus. Les rivalités tribales, les jeux de pouvoir internes et l’influence d’empires extérieurs ont tous contribué à façonner l’accueil réservé aux nouveaux dogmes, et à leur adaptation aux réalités du Maghreb.

Comment l’islam est arrivé au Maroc : des origines à l’ancrage

Au début du VIIe siècle, la conquête musulmane s’étend jusqu’aux confins du Maghreb. Après avoir traversé l’Égypte et la Cyrénaïque, les armées venues d’Arabie gagnent la région de Carthage, avant d’atteindre la Mauritanie Tingitane, sur la côte nord de l’actuel Maroc. Ce cheminement s’opère dans un climat de bouleversements politiques, la domination byzantine s’effritant au profit de nouveaux équilibres locaux.

À Volubilis, cité qui abritait alors une importante communauté chrétienne, un tournant se joue. L’arrivée de Moulay Idriss marque l’installation de la première dynastie marocaine musulmane. Il impose l’islam au sein des sociétés berbères, tout en ménageant les coutumes ancestrales. Très tôt, un modèle religieux distinct se dessine : l’attachement au rite malékite, qui deviendra l’école juridique officielle, et la doctrine acharite, destinée à façonner la pensée théologique du pays.

Voici ce qui constitue les fondements de l’islam marocain depuis ses débuts :

  • Le sunnisme malékite forme aujourd’hui le socle majoritaire de la foi au Maroc.
  • Le soufisme, courant spirituel et mystique, s’est profondément enraciné dans les pratiques collectives.

La singularité marocaine tient dans cet équilibre : rester fidèle à l’enseignement coranique, tout en adaptant la pratique religieuse aux réalités sociales du pays. Cette capacité à conjuguer tradition et adaptation a nourri une réputation de modération et de tolérance, saluée par de nombreux analystes du Maghreb. Avec le temps, le royaume a affirmé son rôle de référence spirituelle, inscrivant l’islam comme religion d’État et comme modèle de coexistence.

Chronologie et influences : grandes étapes de l’expansion islamique marocaine

L’ancrage de l’islam au Maroc s’inscrit dans une histoire foisonnante où spiritualité et construction de l’État avancent de concert. Dès les premières décennies du VIIIe siècle, la région accueille la religion nouvelle grâce aux conquêtes venues d’Orient. La dynastie idrisside, portée par Moulay Idriss, pose les jalons d’une autorité à la fois politique et spirituelle, dont l’influence perdure jusqu’à aujourd’hui.

Au fil des siècles, la fonction du roi du Maroc s’impose comme celle du commandeur des croyants (amir al-mouminine). Ce titre place le souverain au cœur de la vie religieuse. Il préside le Conseil supérieur des oulémas et détient la prérogative suprême en matière de doctrine. L’organisation des mosquées, la nomination des imams et l’encadrement des prêches relèvent du ministère des Habous et des Affaires islamiques.

À l’époque contemporaine, la gestion du fait religieux se structure davantage. Après les attentats de Casablanca en 2003, l’État marocain renforce le pilotage des lieux de culte et la formation des responsables religieux. L’Institut Mohammed VI de formation des imams incarne ce rayonnement, attirant même des étudiants venus d’Afrique subsaharienne pour s’initier à la tradition marocaine.

Dans cet agencement entre héritage et modernité, la doctrine malékite et l’ancrage acharite forment un socle d’unité spirituelle. Le royaume veille à maintenir la cohésion religieuse tout en se positionnant en rempart contre les courants extrémistes, notamment ceux portés par le salafisme ou le jihadisme inspiré par le GIA algérien.

Pratiques religieuses aujourd’hui : entre tradition et diversité

Au quotidien, l’islam marocain s’exprime dans un paysage majoritairement sunnite de rite malékite, modelé par la doctrine acharite et une forte présence soufie. Les fêtes religieuses, Ramadan, Aïd al-Fitr, Aïd al-Adha, Mawlid, Achoura, rythment la vie sociale et familiale. Chacune de ces célébrations est l’occasion de renforcer les liens, de transmettre les valeurs et de partager des moments qui dépassent le simple cadre spirituel.

Dans les mosquées, l’enseignement religieux s’organise sous l’égide du ministère des Habous et des Affaires islamiques. L’école publique propose un enseignement islamique obligatoire, qui façonne l’imaginaire collectif dès le plus jeune âge. Même la darija, la langue du quotidien, porte la marque des références religieuses, du langage courant aux formules de politesse.

La société marocaine évolue, et avec elle les profils de croyants. Les mourchidates, guides religieuses féminines, accompagnent désormais les femmes dans leur spiritualité, résultat concret d’une politique d’ouverture et de rénovation. La réforme de la Moudawana, le code de la famille, a également transformé la place des femmes dans l’espace religieux et social.

La génération Z, plus connectée et curieuse du monde, imprime sa marque à la pratique religieuse. Si beaucoup restent attachés à l’islam officiel, les approches deviennent plus individuelles, entre respect des prescriptions et recherche de sens personnel. Ce panorama, loin d’être monolithique, se distingue par une pluralité assumée des styles de croyance et des manières de vivre la foi.

Jeune femme marocaine devant une porte de mosquee ancienne

La coexistence religieuse au Maroc : quelle place pour les autres croyances ?

Au Maroc, la coexistence religieuse s’appuie sur un héritage séculaire. Si l’islam occupe la place de religion d’État, le cadre légal protège également l’exercice des cultes pour les confessions reconnues. La communauté juive marocaine, l’une des plus anciennes et influentes du monde arabe, demeure visible et protégée : synagogues, écoles et cimetières sont entretenus, et leur présence dans l’espace public est reconnue par les autorités.

La communauté chrétienne marocaine, composée en grande partie de résidents étrangers, dispose de lieux de culte emblématiques comme la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption à Tanger ou la cathédrale Saint-Pierre à Rabat. Le dialogue interreligieux s’illustre par des temps forts : visites du pape Jean-Paul II en 1985, du pape François en 2019, et rencontres régulières entre responsables religieux. Les relations diplomatiques avec le Vatican s’appuient sur ces gestes symboliques et sur des plaidoyers en faveur de l’échange.

Pour mieux comprendre la réalité contemporaine, voici quelques points clés :

  • La communauté juive bénéficie d’une reconnaissance officielle et d’une protection affirmée des autorités.
  • Les chrétiens étrangers pratiquent leur culte sans entrave, tandis que la conversion de citoyens marocains reste un sujet particulièrement sensible.

Sur le plan doctrinal, l’État agit contre la diffusion du salafisme et du wahhabisme, tout en surveillant le chiisme, peu présent et non reconnu. Le dialogue interreligieux, valorisé par le roi et les institutions, s’appuie sur une tradition de tolérance, mais s’accompagne d’un contrôle rigoureux des expressions religieuses jugées dissidentes. Ce fragile équilibre témoigne d’une volonté d’ouverture sans renoncer à la vigilance.

Au fil des siècles, le Maroc a appris à composer avec la diversité. Entre fidélité au rite et adaptation, entre tradition et nouvelles attentes, la société marocaine poursuit son chemin, refusant la fixité pour préférer la nuance. Demain, nul doute que la carte religieuse du royaume continuera de se redessiner, au gré des réformes et des voix qui cherchent à se faire entendre.

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